Loin
Il y a deux ans aujourd'hui, nous arrivions dans ce nouveau pays, avides de découvertes et prêts aux plus belles et déroutantes rencontres. Je me souviens très précisément de l'odeur en sortant de l'avion, un mélange de brise marine, de fumées de voitures et de saleté. Ici, il règne toujours plus ou moins fort l'odeur du poisson pourri; souvent aussi celle, meurtrière, du plastique brûlé.
Deux ans sont passés, sans que l'on ne remarque rien. Nous nous sommes installés tranquillement dans notre vie, notre quotidien, notre maison et son jardin, dans les amitiés, les habitudes. Les images exotiques des scènes de rues en ville et de pistes en campagne ne nous émerveillent plus autant. La misère nous semble moins criante. Ne restent que l'odeur du poisson pourri aux coins de rues, les sourires sur les visages, la nonchalence qui, aussi exaspérante soit-elle parfois, nous apprend aussi l'humilité et la patience.
Pourtant, et bien que j'aime ce pays et ce qu'il nous offre, ses gens et ses beautés, et que j'évalue sans complaisance la chance que nous avons de vivre ici, je ne supporte plus que difficilement les coupures d'électricité; la poussière qui s'insinue dans les moindres recoins, les moindres ourlets; la moisissure dans les placards et sur les murs; le cassé, le fait-à-moitié et le pas-fini; le Inch'Allah des jours mauvais; les sacs plastiques accrochés aux flamboyants; la corruption aux rond-points. Alors, serait-il temps de repartir?